Un été sans gazer … cinq ans plus tard

Un été sans gazer … cinq ans plus tard

ÊTRE MILLIONNAIRE

Il y a 5 ans aujourd’hui, à midi tapant heure de Yellowknife (14h heure du Québec), je mettais le pied par terre pour une dernière fois en 104 jours, comme prévu! Entre le premier mai et le 13 août 2018 pendant les 6 500 km qui séparent notre maison actuelle en Gaspésie de l’endroit où est né mon premier enfant, j’ai donné 1 706 250 coups de pédale, m’auto déclarant du coup … millionnaire! 

Cette longue traversée a commencé au début des années 1980 alors que j’avais une douzaine d’années et un vélo 10 vitesses tout neuf. Je commençais à prendre conscience du concept de liberté qui m’est si cher. Avec l’arrivée d’un bon vélo dans ma vie, j’élargissais mon territoire d’exploration.

À quelque part dans un duo tang est écrite la phrase  : 

«  Avant l’âge de 50 ans, je traverserai le Canada à vélo.  »

38 ans après avoir griffonné ces mots, un peu avant midi, avec mes quatre sacoches remplies, une remorque et beaucoup trop de cossins sur mon vélo, je poussais finalement mon gréement hors du stationnement de ma maison de St-Siméon en Gaspésie. 

J’avais pris quelques semaines pour réfléchir au matériel qui allait peut-être me servir durant l’expédition et je n’avais pas jugé utile de m’entraîner physiquement avant mon départ. Je me disais que j’allais avoir amplement le temps de «  m’entraîner  » une fois sur la route! Cinq ans plus tard, je peux dire que c’était une bonne décision compte-tenu du rythme relativement lent de 65 km en moyenne par jour que j’avais prévu. Mais au jour 1 des 104 jours que devaient durer la traversée, je dois avouer que j’avais certains doutes!

Au cours des prochains mois, au rythme de ma traversée d’il y a cinq ans, je souhaite revisiter ce voyage mémorable dans ma vie. Je le fais pour moi, simplement parce que j’en ai envie. J’y pense depuis mon retour en août 2018. 

Je le fais pour Émile et Julianne, mes enfants qui avaient 10 ans et 8 ans lorsque je les ai rejoins à mon point d’arriver à Yellowknife le 13 août 2018 pour fêter avec eux mon cinquantième anniversaire et la réalisation de mon rêve d’enfance. Il et elle sont aujourd’hui des lecteur et lectrice de course! Et je sais que vous aimez ça quand je vous raconte mes histoires … faque gâtez-vous mes amours, j’espère que ces récits vous feront un peu rêver!

Je le fais aussi pour me donner l’opportunité de remercier encore une fois toutes ces personnes qui m’ont aidé à rendre ce projet possible (et tellement plus!). Je pense à ces personnes régulièrement depuis leur rencontre. Certaines sont devenues des amiEs depuis, d’autres auront été des rencontres plus éphémères, mais toutes ont laissé une marque profonde et bienveillante en moi. Ça fait du bien de pensez à vous de temps en temps. Je vous écrierai un peu à chacun et chacune au cours des prochaines semaines.

Puis il y a celles et ceux qui passeront par hasard sur cette page. Qui en entendront parler par des amiEs et qui y trouveront une histoire réconfortante, rafraîchissante ou inspirante. 

Toute ma vie, j’ai été inspiré par des gens connus et inconnus qui sont passés dans ma vie, de près ou de loin. Sans ces personnes, je n’aurais pas une vie aussi riche que celle que j’ai aujourd’hui. 

Je pense particulièrement à ces deux jeunes hommes qui en 1980 sont venus présenter un diaporama de leur expédition de ski de fond à l’école. En quelques minutes, ces inconnus ont planté une graine dans mon esprit qui allait prendre tout son temps pour germer. Au fil des ans, leur récit me portera, me permettra de croire qu’il est possible de faire des choses que je croyais impossibles – et qui pourtant une fois réalisées me sembleront si faciles. Si je peux, en partageant mes histoires de voyages un peu particulières, inspirer ne serait-ce qu’une seule personne comme ces deux gars l’ont fait pour moi il y a plus de quarante ans, je serai heureux.

Je fais partie des gens qui ont une foi inattaquable en l’humanité. Oui! Certaines actions m’exaspèrent, me découragent et me font questionner ma foi. Nous avons une capacité à créer une merveilleuse beauté autant que celle de la détruire. Je sais que je fais partie des privilégiés de ce monde qui ont le luxe d’émettre ce genre de commentaire. Le luxe de ne pas souffrir de la faim, de la menace d’être violenté d’une manière ou d’une autre, le luxe d’être né ici par hasard.

Me remémorer cette traversée du Canada à coup de pédales en vélo, aidé par près d’une centaine d’amiEs et d’inconnuEs, soutenu moralement et physiquement par des gens qui n’avaient pas besoin de le faire, me fait du bien. J’espère que vous pourrez y trouver votre compte aussi. Que ces quelques minutes hebdomadaires sauront vous permettre une pause santé. J’espère que mes mots sauront faire honneur à cette bonté et à cette bienveillance qui nous entoure, mais que l’on prend peut-être un peu trop souvent pour acquises.

Sans plus tarder donc, je me lance, et je revisite ce merveilleux voyage qui m’a tant apporté, en espérant reprendre la route à vélo bientôt, et pourquoi pas, avec Émile et Julianne!

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Mardi, 1er mai 2018, jour 1, sur la page Facebook d’Un été sans gazer (devenu depuis « Inspirer avant d’expirer » à laquelle s’est aussi ajouté un site web) j’écrivais ces deux publications:

« Bon bein, après plusieurs mois à rêver à ce moment, plusieurs heures plus tard que j’espérais, à 11h40 je donnerai mes premiers coups de pédales vers Yellowknife, le coeur léger et un vélo beaucoup trop lourd ! 

Au plaisir de vous croiser sur la route.

*note à moi-même : écrire le prochain texte sur la différence entre « s’attendre à » (comme dans s’attendre à partir à 8h) et « espérer » partir à 8h … pas tout à fait la même chose à vivre. »

« Journée no.1 … plus que 103 !!

71 km de St-Siméon à St-Omer

5h sur le vélo

8h30 sur la route

0$ d’utilisé

J’ai hâte de passer par une pesée pour savoir le poids que je traine

vitesse moyenne : 14,2 km, vitesse maximale : 45,5 km/h (au milieu de la descente, je me disais que ce serait peut-être bien d’avoir un casque …)

Merci Mathieu Harton pour le premier groupe de soutien sur le bord de la route … t’es hot man. Merci aussi Catherine d’avoir pris le temps d’arrêter pour un brin de jasette. Ça fait plaisir.

Salut à Louisa et Ginette Babin que j’ai croisé à Caplan la semaine dernière pendant mon « entraînement » et encore aujourd’hui … ça c’était très cool.

J’imagine que ça va slacker un moment donné, mais quelle belle journée remplie de belles rencontres de bord de route, de coques chez Roy (pis merci au Ed’s PC Lab pour les batteries homemade).

Pis tout ça se fini au Naufrageur, avec des tounes des Some Blaireaux pis une bière dans un corpo dans lequel je me suis invité !

Et en arrivant chez ma blonde, des pâtes pour 10, une bonne 50 pis toute pis toute.

Je suis vraiment chanceux de vivre ça … et justement, je me sens bien en vie.

Au plaisir de vous jaser ça sur la route ! »

Ces moments sont gravés profondément dans ma mémoire. Même après 5 ans, je revois Matthieu sur le bord de la 132 dans la montée à Caplan avec son foulard blanc… Je revois Louisa et Ginette qui m’ont suivi sur Facebook pendant les quatre mois de ma traversée et qui commentaient gentiment mes publications de temps en temps. Il y a aussi eu ce gentil monsieur dans le coin de Cascapédia sur son « loader » qui m’a parlé du Nord Canadien où il avait passé un moment plus jeune et qui m’a permis de sauver quelques km sur une route sans accotement en passant par un chemin fermé à la circulation automobile. Et Roy qui m’attendait avec son signe « Yellowknife » qu’il avait pris la peine d’installer au coin de sa rue et que je n’ai même pas vu. Roy a fait parti de mon voyage au quotidien avec sa batterie home made qui rechargeait les cellulaires qu’ils m’avaient si généreusement prêtés pour le voyage et qui ont pris toutes les photos qui meublent aujourd’hui mes souvenirs. Merci Roy! Pour ça, et pour bien d’autres choses!

Je me souviens aussi, peut-être un peu moins clairement, de mon arrêt à la micro brasserie Le Naufrageur à Carleton, dans un événement corpo dans lequel je n’avais vraiment pas rapport avec mon kit de vélo tout croche et mes 65 km de route dans le corps. La petite bière a quand même fait du bien au son des Some Blaireaux avant de reprendre la route à la noirceur (ce que j’ai ensuite autant que possible évité de faire).

Ça fait plaisir de revivre un peu ces moments si précieux!

J’ai hâte de voir par quel bout je vais prendre la suite de ce voyage au fond de ma mémoire…

À suivre!

De l’impuissance d’agir

De l’impuissance d’agir

JE SUIS ATTEINT DU SENTIMENT DE L’IMPUISSANCE D’AGIR

La première phrase de mon billet pourrait ressembler à celle des A.A.

« Je m’appelle Martin et je suis alcoolique. »

Qui serait remplacée par;

« Je m’appelle Martin et j’ai l’impression que peu importe mes efforts, ça ne changera jamais rien. »

Comme plusieurs personnes, j’ai regardé d’un œil curieux et de l’autre sceptique le film Don’t look up! Ceci ne sera pas une critique du film. Je l’utiliserai plutôt comme tremplin pour parler de mon propre sentiment d’impuissance malgré bien des efforts face aux défis de notre temps.

Ces défis, je n’ai certainement pas besoin de vous les rappeler, sont d’ordre écologique, social et politique. Et en tant que petit citoyen ordinaire, je me sens à peu près complètement dépourvu et inutile devant l’ampleur de la situation. Surtout frustré d’avoir ce sentiment d’impuissance face à nos représentant-es politique qui semblent à peu près tout aussi inefficaces que moi, malgré leurs énormes moyens.

Pourtant, je composte, je vis dans une petite maison, je mange local autant que possible, je marche, je fais du vélo, j’utilise ma voiture aussi peu que possible, 99% de mes vêtements sont seconde-main, je refuse catégoriquement d’utiliser les services d’Amazon, et si je vais chez Wal-Mart c’est exclusivement pour utiliser leurs toilettes.

Non seulement ça, mais depuis une quinzaine d’années, je dédie toute mon énergie-travail au développement social. J’ai travaillé à la mise sur pied d’un service d’alphabétisation, puis abandonné le salariat et mis en marche des projets autogérés qui ont bien fonctionné … rien n’y fait, mon sentiment d’impuissance perdure.

Bien sûr, j’ai mes bibittes psychologiques comme tout le monde. Je vis dans le doute à peu près constant. J’ai de la misère à me faire confiance, peu importe mes « succès ».

Mais au delà de ça, malgré mes doutes et mes manques de confiance à petite échelle, ce sentiment que collectivement nous n’arrivons pas à être à la hauteur de la situation malgré tous ces moyens extraordinaires à notre disposition, gruge sauvagement mes nuits.

Si ce n’était que de moi, il y a longtemps que j’aurais lancé la serviette, comme bien d’autres avant moi. Et aux bien intentionné-es qui s’inquiéteraient pour moi, merci, mais ça va être OK. Vouloir mettre fin à ses jours dans le contexte dans lequel nous vivons ne me semble pas complètement dépourvu de sens. Mais rassurez-vous, en signant mon contrat de papa je me suis engagé à aller jusqu’au bout, peu importe la complexité du problème auquel je fais face. Et puis, l’empathie me parlant plus que l’apathie et la collaboration plus que la compétition, c’est dans mes valeurs de vouloir contribuer au bien commun au lieu de m’isoler ou d’abandonner. Je veux mettre l’épaule à la roue, et malgré tout ce à quoi nous faisons face, je continue de croire que je pourrais laisser une empreinte sociale et peut-être même écologique positive plutôt que négative.

Tout ceci étant dit … je trouve ça fucking dur!

Esti que je trouve ça difficile. Frustrant. Absolument décourageant et enrageant.

Depuis 15 ans, j’ai l’impression de vivre et revivre toutes les étapes du deuil en boucle.

Un choc n’attend pas l’autre. Puis je me dis que ce n’est pas possible, ça me met en tabarnak, j’enrage, puis je me dis que collectivement nous ne faisons pas exprès, qu’il y a une part d’inconscience, et ça me rend triste. Je lâche prise. J’accepte la situation et je cherche des solutions. J’essaie quelque chose. Jusqu’à ce que la prochaine brique me tombe sur la tête … et ça recommence!

J’enrage, ça me décourage, puis on recommence.

Mais toujours, je me dis; On est quand même plus intelligent-es que ça … non?

On a tous les moyens pour vivre de manière décente, pour s’assurer que la prochaine génération (et les suivantes…) puisse vivre dans un monde meilleur que celui qui nous a été laissé. Non?

Il se trouvera toujours quelqu’un pour dire; … dans mon temps, c’était bien pire! Mais vraiment, est-ce qu’on peut encore croire que ce qui s’en vient pourra être mieux que dans ton temps?

À 53 ans, il me reste sûrement encore quelques bonnes années devant moi. Et c’est pas vrai que je vais laisser tomber mes enfants (ou n’importe quel enfant). Je n’ai très certainement pas LA solution pour régler tous les problèmes de l’humanité, mais pour une des rares fois de l’Histoire, j’ai accès à un shit-load d’informations sur le sujet.

Et surtout, je suis tanné, écœuré, d’attendre après les autres (peu importe qui les autres sont).

Je sais que je ne suis pas seul à me sentir impuissant, frustré et en quelque part profondément motivé à dédier le reste de ma vie et de mon énergie à ce chantier collectif, souvent pas très clair, mais oh combien nécessaire si on veut vraiment réorienter la trajectoire humaine.

J’ai eu des centaines, sinon des milliers de conversations avec des gens de tous les milieux qui souhaitent vivre dans un monde plus sain à tous les niveaux.

Je ne sais pas comment rassembler ces personnes et ces organisations qui dédient déjà la majorité de leur énergie-travail à contribuer à ce but, mais dans la mesure de mes modestes moyens, je vais essayer d’ajouter un peu d’eau à ce moulin encore en construction.

Pour ma part, j’ai abandonné le salariat. Je ne suis pas indépendant de fortune, mais depuis une vingtaine d’années j’ai diminué substantiellement mon besoin d’argent. Et surtout, j’ai changé au fil du temps mon rapport à l’argent. Comme un marteau ou un linge à vaisselle, j’ai remis l’argent dans son trou, avec son statu d’outil. Je n’idolâtre plus l’argent. Elle fait partie d’une série d’outils, sans plus. Les échanges, le troc, l’utilisation de monnaies complémentaires, mais surtout l’analyse puis la sélection et la réduction de mes besoins m’aident à vivre simplement et me permettent d’investir une grande partie de mon temps travail au projet mentionné plus haut.

Dans le courant des dernières années, j’ai investi beaucoup de temps dans le sujet d’un revenu minimum garanti et universel. Une façon, de base, qui assurerait que personne ne soit laissé de côté. Que tous et toutes puissent avoir accès au minimum nécessaire pour vivre dignement. Ce chantier, parmi bien d’autres, vaut la peine de continuer à y mettre du temps. Mais comme bien d’autres chantiers, j’ai souvent l’impression de donner des coups de rames dans le vide. Mais j’apprends, ou en tout cas, j’essaie d’apprendre au fil du parcours.

En parallèle de ce grand chantier qu’est le RDB, depuis plusieurs années j’essaie de mettre au point une formule qui me satisfasse personnellement. Un projet qui me ressemble et qui rassemble. Sa première mouture appelée Les chemins gaspésiens était déjà une variation sur le thème d’Horizons gaspésiens que j’avais créé avec des ami-es dans la foulée des soulèvement étudiant de 2012. On rêvait de s’organiser ensemble au lieu de toujours accepter de se faire organiser. De ces horizons et de ces chemins ont émergé un espace communautaire autogéré appelé le Loco Local, une monnaie complémentaire expérimentale faite à partir de billets de banque canadiens coupés en deux, le Demi et un essai collaboratif intitulé Sécession; et si la Gaspésie devenait un pays libre.

Tous ces projets ont nourri ma réflexion. Chacun faisant ressortir de bons coups et de moins bons. Tous étaient une petite contribution au grand chantier tentant de contribuer à l’amélioration de la qualité de vie générale en toute conscience mais toujours dans la mesure de nos moyens individuels ou collectif à petite échelle.

Puis, depuis trois ans, après une traversée du Canada en solo à vélo (un bon moyen de se remettre les idées en place et à réaliser que c’est encore possible de faire de grande chose avec de petits moyens), j’ai essayé de créer un nouveau projet dans lequel j’allais encore une fois tenter à ma façon de contribuer au bien être collectif. Je l’ai appelé; Inspirer avant d’expirer.

Presque prêt depuis plusieurs mois, j’ai procrastiné comme c’est pas permis.

Mon but était clair et le même depuis 2012 avec Horizons gaspésiens, qui lui-même était inspiré des villes et villages en Transition du Transition Network; partager des expériences inspirantes pour voir qu’on n’est pas tout seul à essayer d’imaginer et de mettre en place des initiatives qui souhaitent s’éloigner du status quo et travailler à un monde dans lequel on prend soin des gens, de la nature et où le partage équitable est au cœur de nos préoccupations.

Même si dans ma tête le projet était clair, sur papier (ou sur le web) c’était loin d’être le cas.

Chaque jour amenait son lot de doutes. Certains probablement fondés, beaucoup pas du tout.

Puis ce matin, peut-être un peu à cause de Don’t look up! j’ai fait ce fameux premier pas qui maintes fois dans ma vie m’a été si difficile, et je me suis lancé. Pas en grande pompe, mais simplement et surtout, à ma façon, dans la mesure de mes modestes moyens. En écrivant ce texte, et en le partageant publiquement.

Inspirer avant d’expirer c’est ma tentative de contribuer à motiver les troupes, avant ma date d’expiration. Ce sera aussi, et peut-être surtout, mon grand livre de recettes vivantes pour mes (ou les) enfants. J’y raconterai mes bons (et moins bons) coups. Leur laissant une trace écrite pour leur partager un peu d’où ils arrivent pour les aider à mieux comprendre où ils s’en vont.

Inspirer avant d’expirer, c’est aussi ça; Inspirer … avant d’expirer.

Prendre le temps! Respirer. Et faire de son mieux.

Je ne sais pas où tout ça ira. Les moyens sont petits, mais la motivation est grande. Le plan de match est ambitieux, mais les pas seront très probablement assez petits … à échelle humaine. Je le fais parce que j’aime les gens. Parce que je crois encore qu’il est possible que nous agissions intelligemment et collaborativement pour le bien être commun.

Parce que je crois que d’agir de manière inspirée même à très petite échelle est plus facile que de rester là sans bouger, frustré-es de ne pas avoir de pouvoir pour changer les choses à grande échelle.

P.S. J’ai écrit ce billet pour partager mes réflexions comme à plusieurs reprises dans le courant des dernières années, mais aussi et peut-être surtout, pour me donner à moi-même un grand coup de pied au derrière afin de sortir de ma torpeur. J’espère donc vous retrouver très bientôt sur mon site web dont je remets constamment la sortie depuis plusieurs mois de peur de ne pas être à la hauteur. En espérant que j’arriverai à croire (ou accepter) dans les prochaines heures que sa hauteur (peu importe ce qu’elle sera) sera la bonne.

Que reste-t-il d’impossible

Que reste-t-il d’impossible

Que reste-t-il d’impossible?

Je viens de poser le pied à Yellowknife. Il est midi tapant.

100 jours plus tôt, j’ai enfourché mon vélo, sans argent, sans entraînement, sans trop y croire.

Selon ce que quelques médias locaux avaient annoncé, j’allais traverser le Canada à vélo. C’est ce que je leur avais dit et ils l’ont répété.

Mathieu a pris son heure de dîner pour venir m’encourager en haut de ma première côte. Il est seul. Comme moi pendant les quatre prochains mois.

Je n’y crois pas trop et pourtant je n’ai aucun doute. Faut dire qu’au bout de ce périple se trouveront mes deux enfants. Comme j’aime le dire; j’ai fait 6 500 km pour aller chercher mes enfants, à vélo. Ça flashe.

Mais pourquoi?
Pourquoi se taper deux millions neuf cent vingt-trois mille deux cents coups de pédales à 50 ans?

Ah oui! J’ai cinquante ans. L’âge auquel j’allais être très vieux quand j’avais 12 ans.

C’était en 1980.

C’était l’époque de mon premier vrai bicyk.
Un CCM noir, dix vitesses de route que mes parents m’avaient acheté su’ Sears.

C’est sur ce vélo que j’allais goûter, déguster et apprendre ce qu’est … la Liberté.
Mes amis de Vanier auront plus tard leur propre version; la Libarté … mais ça, c’est une autre histoire.

Ma Liberté, elle, avait un très grand « L » et elle était accrochée aux guidons de mon vélo.

Mon quartier était fait de ruelles, entouré de champs et au bout duquel se trouvait notre boisé communautaire qu’on appelait Le Gros Trou.

Mon rayon d’action, limité par la lumière de la porte d’en avant que ma mère allumait quand c’était l’heure de rentrer, s’est rapidement agrandi lorsque j’ai découvert la vitesse à laquelle mon vélo de course me permettait de revenir virer dans ma rue pour voir si la lumière était allumée.

Tout à coup, je pouvais aller explorer les quartiers interdits à intervalle régulier.

Douze ans, c’est aussi l’âge que j’avais quand deux gars sont venus à l’école nous présenter un diaporama de leur voyage de ski de fond dans le Grand-Nord.

Je dis Grand-Nord, mais c’est tout à fait possible que ces deux gars-là aient été le neveu du directeur de l’école, et son meilleur ami, venus nous présenter leur fin de semaine de ski de fond derrière chez eux dans le cadre d’un de leur cours au CÉGEP.

Mais dans ma tête de ti-cul,
c’était la première fois que je rencontrais, en personne, de vrais explorateurs.
Ils n’étaient pas dans un livre ou à la télévision.
Ils étaient là, devant moi, pour de vrai. Ils existaient.

Je ne leur ai pas parlé. Trop gêné.
Mais leur présence réelle m’a touché.
Plus qu’ils ne pourraient sans doute l’imaginer.

Le soir, à la maison, j’ai écrit dans un duo-tang vert : avant l’âge de cinquante ans, je vais traverser le Canada à vélo.

À 12 ans, cinquante ans, c’est la fin de la vie.
Je venais de décider qu’avant de mourir j’allais réaliser un grand rêve.

Puis, pendant les 38 années suivantes j’ai dédié mon temps à me trouver des excuses pour ne pas réaliser ce rêve.

À l’âge de 40 ans, lorsque mon fils est né, je venais de trouver l’ultime excuse pour ne plus aller au bout de mon rêve; j’allais définitivement être trop vieux une fois mes enfants en âge de m’accompagner ou de rester seuls à la maison.

La vie étant ce qu’elle est, notre couple éclata.
Les enfants allaient maintenant partager leur temps entre l’Est et l’Ouest du pays.

Un continent nous séparait et des visites de quatre mois à la fois marquaient désormais le temps de notre nouvelle vie.

La gestion émotionnelle qui vient avec le fait de ne pas voir ses enfants à coup de quatre mois est quelque chose que je ne souhaite à personne. Il faut s’inventer une raison.

Une petite lumière s’alluma pourtant dans ma tête. À un moment donné, j’allais avoir quatre mois sans mes enfants. Par hasard, une de ces périodes de quatre mois allait coïncider avec l’été de mes cinquante ans.

Si pendant 38 ans je m’étais inventé tout un catalogue de raisons possibles pour ne pas réaliser mon rêve d’enfance, je venais de mettre un terme à cette mauvaise habitude.

Du premier mai au 13 août 2018, pendant 100 jours, j’allais traverser le Canada, d’Est en Ouest, contre le vent et en solo, pour arriver à Yellowknife le jour de mon cinquantième anniversaire.

À midi pile.

J’ai nommé cette traversée Un été sans gazer.

 

 

Traverser le Canada à vélo n’a rien de particulièrement exceptionnel. Plusieurs personnes le font chaque année. J’en ai rencontré une bonne douzaine sur mon chemin.

Le faire avec un budget de 15$ par jour, sans équipe de soutien, dans le sens contraire de tout le monde, le vent dominant dans la face et surtout sans entraînement … c’est quoi les chances que ça fonctionne?!

Quelqu’un m’avait déjà dit que Terry Fox, lors de sa traversée du Canada, se fixait comme objectif le prochain poteau de téléphone. Je dois remercier cette personne. À quelques reprises je me suis accroché à cette image, le vent réduisant ma vitesse à celle d’un marcheur, l’eau frette des pluies de mai détrempant mes vêtements, les mains gelées et nulle part où aller à la fin de la journée. Chaque poteau de téléphone devenait une petite réussite.

J’ai pédalé ma vie. Presque littéralement.

Avant de partir et tout le long de ce voyage, j’ai fait de gros efforts pour me convaincre que ce n’était pas si pire que ça. Que ça n’allait pas changer grand-chose. Que j’allais rester le même gars.

D’une certaine façon, je n’avais pas le choix. L’entreprise était tellement énorme que je devais m’inventer une panoplie d’histoires pour en minimiser l’ampleur.

Chaque jour, beau temps, mauvais temps, je remettais mon matériel dans mes sacoches, j’enfilais mon maillot jaune et je reprenais le même rythme cyclique de la veille. Chaque jour la même routine, pour le même but; aller rejoindre mes enfants à l’autre bout du continent.

Le doute était mon compagnon de voyage. Il me suivait partout, mais tant que je restais quelques mètres devant lui, tout allait bien. J’ai questionné souvent le p’tit-cul de 12 ans qui avait pris cette décision il y a si longtemps. Sans lui, je ne serais pas où je suis. Chaque jour, c’est à travers ses yeux que je voyais la beauté dans la routine. Et c’est sûrement grâce à lui que j’ai commencé à voir dans les choses et les gens ordinaires, leurs côtés extraordinaires.

Rien ne ressemble plus à un accotement de route en Ontario qu’un accotement de route en Saskatchewan. Même chose pour les gens. Manitobain, Albertain, mêmes combats quotidiens. Mais lorsque je levais juste un peu les yeux et que je ralentissais la cadence pour prendre le temps de bien voir au lieu de juste regarder ce qui m’entourait, les nuances semblaient infinies. Je me suis arrêté à maintes reprises sur le bord de la route au-dessus d’un ruisseau ou dans le creux d’une vallée pour juste rien faire. Pour être. Sans plus, ni moins d’importance que le caillou, le brin d’herbe ou l’oiseau qui m’entouraient.

Des gens s’arrêtaient sur la route pour m’offrir de l’eau, des fruits et des légumes frais. D’autres m’invitaient à dormir chez eux, plusieurs m’offraient carrément un repas lorsque je m’arrêtais dans un restaurant pour me connecter à internet.

Un monsieur avec un gros accent allemand m’a raconté sa vie d’agriculteur pendant un de mes arrêts. Une dame est venue me porter un billet sur lequel on peut lire You are loved, dessiné à la main, le jour où ma copine du temps m’annonçait notre séparation.

C’est comme si mon rythme lent me permettait de prendre mieux conscience de toute la beauté du monde qui m’entoure.

Lundi matin, le 13 août 2018, après 6 500 km et une seule crevaison, je revenais à l’endroit de la naissance de mon fils Émile. Et d’une certaine façon, de ma propre naissance. Après tant d’années à remettre mon plus grand rêve encore et encore et encore, je mettais le pied à terre. Et vous savez quoi? Ce fut, et de loin, le projet le plus facile à réaliser de toute ma vie. Chaque jour faisait du sens. Chaque moment me semblait important. Mes limites étaient claires et le matériel dont elles dépendaient, compréhensible. Tout ce dont j’avais besoin pour vivre tenait dans cinq sacs attachés à un vélo.

Après une brève visite à l’hôtel de ville de Yellowknife et au maire qui était alors un ancien collègue de travail du temps où j’y habitais, j’entrepris la traversée de l’allée bordée de tous les drapeaux des communautés des Territoires du Nord-Ouest. Au bout de cette allée se trouvait mon point d’arrivée… et mes deux enfants, Émile et Julianne.
Je jette un coup d’œil sur mon odomètre comme je l’ai fait si souvent pendant ma traversée.

11h59 … midi. Le jour de mon cinquantième anniversaire, je mets le pied à terre. Mon voyage est terminé. Mes anciens collègues de travail à qui j’avais dit à la blague un an plus tôt de m’attendre pour dîner le 13 août, ne seront pas déçus.

Je pourrai aussi remettre à mon ami Martin le maillot jaune signé par le maire de Yellowknife. Martin m’avait promis en riant, il y a trente ans, un maillot jaune si jamais je tentais ma traversée. Il a tenu promesse, comme le ti-cul de 12 ans qui m’avait dit qu’un jour, avant l’âge de 50 ans, j’allais traverser le Canada, à vélo.

Seul au milieu de la foule

Seul au milieu de la foule

Texte écrit Dimanche le 15 avril 2018, 15 jours avant mon départ pour ma traversée du Canada à Vélo.

Un été sans gazer · Dimanche 15 avril 2018

J’ai fait beaucoup de choses seul dans ma vie.

Si souvent je me suis senti seul, je considère quand même toujours avoir été bien entouré.

Dans mon monde, tout le monde est différent, exceptionnel, particulier. Il n’y a pas d’ordinaires. Chaque individu est unique.

Je ne me souviens pas avoir jamais pensé autrement.
Pourtant, ce n’est pas parce que je n’ai pas eu accès à ce discours du Nous.
J’y ai tellement eu accès que j’en ai fait une organisation; N.O.U.S. de la Gaspésie.

Un blogue et une page Facebook.

Mais ce N.O.U.S.(1) n’est pas le nous avec lequel j’ai grandi.

Face au nous de mon enfance, il y a toujours eu les autres.

Comme si nous autres, on était mieux ou différents qu’eux autres.
Ça m’a toujours un peu dérangé.

Avec cette vision du monde, j’ai l’impression que je me suis moi-même mis de côté.

Souvent.

J’ai quand même essayé de me construire en pensant que j’avais le droit de faire ce que je voulais de ma vie. Mais avec une règle; faire aux autres ce que j’aimerais que les autres me fassent.

Reconnaître mon individualité sans que cette individualité coûte aux autres.

J’ai toujours essayé de vivre de cette façon en me disant que si tout le monde vivait ainsi, nous vivrions dans un monde où il fait bon vivre.

Bien sûr, je ne suis pas en train de dire que tout le monde devrait faire du vélo tout le temps … bien que cet argument pourrait être défendable.

Si j’ai toujours essayé de faire de ma vie ce que j’en voulais, c’est en reconnaissant ma place au sein d’une communauté. Une communauté large et une autre de proximité.

Toutes mes actions ont un impact sur quelqu’un, quelque part.

En reconnaissant ce fait, j’essaie de limiter les impacts négatifs et de maximiser les positifs.

J’ai rapidement abandonné l’école et je m’organise pour que mes enfants y aient un accès raisonnable, mais pas exclusif.

Parce que je suis d’avis qu’on y formate plus qu’on y forme et y éduque présentement.

J’ai cessé de faire mes besoins dans une eau propre traitée à grands frais et qui se fait de plus en plus rare, pour apprendre à composter de manière sécuritaire les rejets humains.

Je me suis acheté une maison plus près de mon lieu de travail (maintenant télétravail) et de l’épicerie, et qui me permettait d’avoir d’autres options que la voiture pour mes déplacements. Ce qui n’est pas toujours évident en Gaspésie, mais qui pourrait tellement l’être si la confiance envers l’autre y était.

Je n’arrête pas de m’imaginer le potentiel énorme de la 132 pour l’auto-stop si on s’y mettait. Un auto-stoppeur, qui fait de la déscolarisation et qui composte ses excréments … je vous disais tantôt que je me sens seul des fois?!

J’ai eu la « chance » il y a quelques années de passer 33 jours complètement seul dans le bois.

Aujourd’hui, si je pouvais (ou lorsque je déciderai que je peux) je repartirais volontiers, sans hésiter pour revivre une telle expérience. Mais pour être honnête, cette « chance » que j’ai eu de vivre un mois que certaines personnes pourraient qualifier de méditation pleine conscience constante, était le résultat de mon incapacité à trouver d’autres personnes pour faire le voyage avec moi.

Ainsi en est-il de mon voyage cet été et de bien d’autres aspects de ma vie en général.

Ceci n’est pas une complainte, pas plus que la pipe de Magritte n’était une pipe.

C’est un constat que j’embrasse et qui si à la fin de ma vie m’obligera à dire que « Je n’ai pas fait tout ce que j’aurais aimé faire de la façon dont j’aurais aimé », me permettra certainement aussi dire que « Tout ce que j’ai fait, j’ai aimé le faire ».

Pour la petite histoire et puisqu’on est dans les confidences, en 2003 lorsque je dis que je suis allé de Yellowknife jusqu’à l’Océan Arctique en canot, ce n’est pas tout à fait vrai. En réalité, je me suis arrêté à un kilomètre de l’Arctique, dans un camp de pêcheurs inuit où allait venir nous chercher notre avion, pendant que mes trois compagnons de voyage allaient se tremper le gros orteil dans l’Arctique.

J’ai l’impression que je ne voulais pas mettre un terme à ce voyage. Je voulais qu’il reste ouvert ou me laisser la possibilité un jour d’y retourner parce que je ne m’y étais jamais rendu.

Après 50 jours de voyage en canot ensemble, juger l’autre n’était plus une option.

Alors, sans essayer de me convaincre, ils étaient partis conclure leur voyage pendant que je restai derrière sans regret. Seul.

(1) N.O.U.S. : Nouvelle Organisation pour l’Union et la Solidarité 

 

Les lieux de transition

Les lieux de transition

Les kilomètres passent.
Bientôt j’arriverai à 6 000 kilomètres.
Quel voyage!

En permaculture, on observe que les lieux de transition sont les endroits les plus fertiles. Là où l’océan rencontre la rivière, là où le bois rencontre la clairière, etc.

Le début et la fin d’un voyage font certainement partie de ces lieux de transition.

Mon coeur et ma tête se chamaillent.
L’un veut rester dans le présent pendant que l’autre est déjà en train de tondre le gazon à la maison.

 

Hier, j’ai fait une grosse journée de vélo.
C’est l’insatisfaction qui me menait. Et le hasard s’est occupé du reste.
Mais j’ai noté l’insatisfaction ressentie.

À l’approche de la fin, je ne sais plus trop où me placer.
Je me sens insatisfait, comme engourdi.

J’ai hâte de retrouver mes enfants, ma maison, mes ami.es, ma « routine », mon quotidien.
Et en même temps, je voudrais que ce voyage, ce sentiment de liberté presque absolu dure toujours.

Je suis dans le remous quand le ruisseau rencontre le fleuve.

J’ai mal.
Je suis triste et reconnaissant en même temps.
J’ai tellement hâte de serrer Émile et Julianne dans mes bras, de les couvrir de bisous … et j’ai peur de laisser aller ce que je vis présentement. J’ai peur de ne plus jamais ressentir ce que je sens présentement.

 

Je sais qu’en ces lieux de transition, se trouve la vie.
Et je me sens en vie.

Mais la vie, c’est pas facile.
Je me suis même toujours dit qu’il ne faut pas que ce soit facile.
Yann Perreault l’a chanté: « Tout ce que j’ai eu de facile a brûlé comme du foin »

C’est peut-être mon héritage judéo-chrétien, mais si ça fait pas mal (un peu) je sens rien.

Depuis toujours, j’oscille entre souffrance et béatitude.

Un côté de moi veut se sentir en vie. Veut sentir la vie.

Depuis que je suis tout jeune, j’ai cette image qui représenterait une vie sentie selon moi. Ce serait comme avancer dans du Jell-O. On est capable de s’y frayer un chemin, mais ça prend un certain effort et surtout on se sent passer à travers la matière.

Puis cet autre côté de moi qui se sent en parfaite harmonie dans le moment présent. En état de méditation quasi permanent. Léger.

En mettant ça noir sur blanc, je me retrouve face à mon propre paradoxe de vie.

Je veux être le ruisseau et le fleuve, alors que ce que je suis, c’est le remous.

 

Si je regardais mon passé en face, je verrais bien cet état de perpétuelle transition dans lequel je me retrouve. Dans lequel je me retrouve le plus souvent, mais aussi et surtout, dans lequel je me retrouve. Ce lieu où je me sens être ce que je suis.

Ce lieu où je me sens être ce que je suis.
J’aime cette phrase là.

Je ne suis pas toujours ce que je suis.
Je ne suis pas toujours dans cet état qui me permet d’oublier de me juger. Qui me donne à moi-même mon propre répit.

Parce que oui, je suis la personne qui me juge le plus.
À la plus petite émotion, je m’analyse, je me question, je me remets en question.
Je me demande si je « fit », si j’ai ma place dans la petite ou la grande société qui m’entoure.

Lorsque je suis ce que je suis, il n’y a plus de jugement. Ce n’est souvent que du bonheur. Mais pas juste du bonheur. C’est un état de relâchement. Je suis. Pas plus, ni moins que la roche ou le brin d’herbe. Je me trouve où je dois me trouver au moment où je dois m’y trouver.

J’ai entendu un jour l’histoire de gens dans une partie du monde qui vivaient pour l’ensemble de leur vie leurs émotions à fond. Un vieil homme pouvait faire une crise de larmes devant tout le monde, et c’était correct. Il vivait ce qu’il avait à vivre au moment où il avait à le vivre. Il n’accumulait rien. Il vivait.

La société dans laquelle j’ai grandi encourage l’accumulation, la vie par procuration. Pourquoi faire aujourd’hui ce qu’on peut faire demain … surtout s’il s’y rattache une charge émotive. On se cache pour pleurer, on se cache pour aimer, on se cache pour vivre. On se cache derrière la vie privée. On se bâti des communautés clôturées où l’on peut vivre en toute sécurité, sans être dérangé. Je ne suis pas sûr que la vie privée ne soit pas privée de vie.

Bien sûr, il y a place à l’intimité. Des moments qui nous appartiennent, des moments pour se retrouver. Mais je crois qu’on brouille ce concept en lui donnant le nom de vie privée.

Aujourd’hui, nos affaires ne regardent personne.
Les grandes compagnies en savent quelque chose. Elles s’en servent allègrement.
Secrets professionnels et autres données privées sont considérés comme des droits inaliénables. Comme des faits qu’il n’est pas bien vu de remettre en question.

Et pourtant, pourtant, on est constamment à la recherche d’émotions. Il semble même que nous cherchions de plus en plus d’émotions fortes. L’offre de divertissement en émotion garantie semble ne plus avoir de limite. Combien de saltos arrière devrons-nous faire sur un motocross pour se sentir satisfait?

J’espère que je saurai apprendre à apprécier ces petites émotions toujours présentes au quotidien. Que je pourrai lorsque je dis Bonjour à une autre personne, transmettre mon réel désir que j’ai que cette personne passe une bonne journée. J’espère que je saurai transmettre clairement mon amour aux gens à qui je dis je t’aime. Je t’aime. Voilà une source inépuisable d’énergie. Moi qui croyais avoir perdu mes jambes lors de ce voyage quand mon amoureuse m’a quitté, je me suis retrouvé envahi de tout votre amour. Et mes jambes sont revenues, plus fortes encore.

Entre l’engourdissement et le Red Bull, je crois que nous vivons à une époque de grande transition. J’ai l’impression que nous ne sommes ni le ruisseau, ni le fleuve, mais un peu des deux.

Je crois que nous sommes présentement en train d’essayer de trouver notre place collectivement dans ce grand remous qui est ce que nous sommes. Nous sommes dans un lieu fertile, riche, vivant.

Si ce voyage m’a appris quelque chose, c’est que presque tout est possible.

Mais surtout, j’ai rencontré des gens merveilleux, des personnes intelligentes, pleines de ressources et de connaissances. Des personnes généreuses qui se nourrissent en donnant aux autres.

Je nous souhaite tellement de câlisser dehors cette pourriture politique qui ne nous représente tellement pas. Trouvons, non, vivons ce système qui n’a pas encore de nom, mais que nous savons tous et toutes qu’il existe. Ce système où l’étranger fait partie de la famille, ce système où le temps n’est plus rabaissé à l’insignifiant argent, mais où on le prend. Prenons le temps.

Prenons le temps de reconnaître ce que nous sommes vraiment.
Prenons le temps d’être ce que nous sommes vraiment.
Prenons le temps de passer du temps en ces lieux où nous nous sentons être ce que nous sommes et voulons être.

Je nous le souhaite sincèrement.